TRANS_IMAGES : la fabrique contemporaine des images
Dans le cadre du festival Photographie et Image, Biarritz 3 au 10 mai 2005

Trans pour TRANS_PORT : L'internet est un lieu de créations qui s'expérimentent dans
l'intimité de l'écran et stimulent les facultés humaines de percevoir dans de nouveaux
contextes. Un nouveau réservoir de signes pour documenter le réel et l'art.
Anne-Marie Morice (Commissaire de l'exposition)




trans_image
Autoportraits en communauté (à peu près Roberto Martinez), 2003

m_expo_mar01
Vue de l'exposition
Connecté à internet , un ordinateur permet en cliquant sur les portraits des
Roberto Martinez d'ouvrir la page html du site où se trouve chacun des Roberto Martinez.
Des planches de portraits de
Roberto Martinez imprimées était disponibles gratuitement en libre distribution (à droite sur la table).



Comme le dit Walter Benjamin : "On jouit, sans le critiquer, de ce qui est conventionnel." (1)

Toute mon enfance, à l'école par exemple, j'ai été le seul Martinez Roberto. Aujourd'hui, à Madrid ou Buenos Aires, je suis plusieurs pages d'annuaires.
Martinez : nom de famille, commun avec plusieurs centaines de milliers d'autres.
Martinez Roberto : nom de famille plus prénom, communs avec plusieurs centaines de milliers d'autres.
Porter le nom le plus commun de la planète et avoir une pratique artistique ne pouvait que me rendre particulièrement attentif à la (problématique) question de la singularité. C'est devenu comme un travail dans mon travail.
Je ne suis pas seul, et pourtant en tant qu'artiste, je suis voué à une singularité, à la représentation d'un moi, quitte à ce que cette représentation finisse par se confondre avec une simple signature(2) ou prendre la valeur d'une marque ou d'un logo.
Aujourd'hui, j'expose "Roberto Martinez"(3) ou plus exactement je ré-expose des "Roberto Martinez", tous déjà, pour des raisons différentes, exposés sur Internet. Un "Roberto Martinez" en vaut un autre, Tout le monde se ressemble (4). Et pourtant.
Collecter tout ce qui s'appelle Roberto Martinez, (un peu comme l'avait fait Bertrand Lavier dans "la peinture des Martin 1900-2000"), en faire des livres, ou une série de planches de portraits distribuées gratuitement, (entreprise qui se rapproche de certains des "sans titre" de Felix Gonzalez-Torres), et ainsi jouer la reproduction d'une chose déjà si communément partagée, a pris sa place naturellement dans certains de mes projets.
La question qui se pose dans cette démarche est celle du rapport entre ma singularité, (être très moi) et la mise en œuvre d'un multiple autobiographique, (être très des autres). A la fois déclinaison et dispatching, cette entreprise, ubiquité étrange et paradoxale, interroge une idée de l'à peu près (5) qui pourrait se traduire ici par : "à peu près Roberto Martinez".(6)
Roberto Martinez

(1)Walter Benjamin, "Petite histoire de la photographie", in Œuvres II, Paris : Gallimard , coll. Folio/Essais, 2000, p. 321.
(3) Autoportraits en communauté (2003)  
Une série d'images imprimées de "Roberto Martinez" collectées sur le net grâce à des moteurs de recherche seront à disposition gratuitement et un ordinateur permettra de se connecter et faire apparaître grâce aux séries de liens la page d'où est issue l'image.
(4) Emmanuel Hocquard, Tout le monde se ressemble, une anthologie de la poésie contemporaine, Ed. P.O.L.
(5) Eric Watier , Felix Gonzalez-Torres: un art de la reproduction, in Revue d'esthétique, à paraître.
(6) ou "Roberto Martinez à l'ère de sa reproductibilité"
(7) J'ai souvent pensé à Walter Benjamin et ses Curriculum Vitae publiés dans Ecrits autobiographiques (Christian Bourgois-Choix essais). Autant de tentatives de se présenter pour trouver du travail commençant souvent par : je suis né le…


Notes supplémentaires :
De Caroline Dubois (poète) : " Je te cite un passage de "JE" extrait de la préface du livre Tout le monde se ressemble d'Emmanuel Hocquard.
"Prenons un autre mot, beaucoup plus courant, dont tout le monde se sert sans arrêt et sans même y penser : je. Le mot je est dans le dictionnaire. Une des définitions qui en sont données est celle-ci : "Pronom personnel de la première personne du singulier des deux genres, au cas sujet."
Est-ce que, chaque fois que vous prononcez ou entendez quelqu'un dire je, vous comprenez pronom personnel de la première personne du singulier des deux genres, au cas sujet ? Non, bien sûr ! Nous sommes donc condamnés à dire je en dehors du dictionnaire et à nous dire : de deux choses l'une. Ou bien la définition est fausse ou incomplète ; ou bien voilà un mot qui résiste à toute définition satisfaisante. Ce qui est tout de même extrêmement troublant si on y réfléchit, puisque je est probablement le seul mot que tout le monde, sans exception, emploie à longueur de journée, dans toutes les circonstances imaginables, depuis que le monde est monde. On peut s'étonner qu'un mot dont tant de choses dépendent soit un mot dont on ne sache rien dire.(…)